Romain Duriez
Un papa et son enfant | Pixabay License by
Si le rôle des papas semble progressivement se rapprocher de celui des mamans, la fête des mères a toujours été plus importante que celle des pères. Un phénomène qui relève surtout d’une question sociétale.
Si les Français dépensent environ la même somme pour les deux (40 euros de dépense en moyenne), la fête des pères et la fête des mères ne sont pas pour autant sur un pied d’égalité. En 2011, l’Institut de sondage Ipsos révèlait que 81% (de 1017 Français) fêtent les mamans contre 67 % pour les papas. Il y a quelques jours, une enquête Toluna/LSA dévoilait que 35,5% des personnes interrogées n’achetaient pas de cadeau pour la fête des pères contre 15,5% pour la fête des mères.
Sur Internet, l’indice Google trends (qui mesure les tendances des recherches) indique que les mots «fête des mères» ont été beaucoup plus tapés que les mots «fête des pères» sur les trois derniers mois. Et sur les trente derniers jours, Twitter a recensé environ 75.000 tweets sur la fête des mamans, seulement 19 000 sur celle des papas. D’où la question: pourquoi accorde-t-on plus d’importance à la fête des mères qu’à la fête des pères? Paroles d’enfants pour commencer.
Il était une fois en 1907
L’initiative d’une célébration des mamans a lieu aux États-Unis en 1907 lorsqu’une jeune femme du nom d’Anna Jarvis lance une campagne pour créer une fête des mères, deux ans après la mort de la sienne. Onze ans plus tard en France, la ville de Lyon organise une «journée des mères». En 1920, le ministère de l’Intérieur met en place la «journée nationale des mères de familles nombreuses» avec une collecte de fonds publics pour récompenser les familles méritantes. Pas de trace de «papa» à l’époque mais un accent mis sur la natalité. Une politique qui se poursuit durant la Seconde Guerre mondiale sous le régime de Vichy où cette journée n’est plus seulement celle des mères de familles nombreuses mais de toutes les mamans. Le maréchal Pétain l’institutionnalise en 1941. Objectif: favoriser une politique familiale de naissance, conforter les femmes dans leur rôle de femmes au foyer et les hommes dans leur rôle de travailleurs. Si la mère est célébrée avant le père, c’est avant tout pour l’éloge de la fonction reproductrice que l’on vante à grands coups de propagande. Heureusement, à l’initiative de la marque bretonne de briquets Flaminaire, la fête des pères voit le jour en 1952, mais elle ne sera jamais inscrite dans la loi. Celle des mamans l’est depuis 1950.
ADN féminin
Du point de vue humain, la valeur plus importante de la fête des mères se justifie par le symbole du don de la vie représentée par la maman et lien affectif avec l’enfant. Mais aussi en raison du conditionnement affectif de la figure maternelle dès l’enfance. À une petite fille, on offrira souvent une poupée, à un garçon une voiture. Avec la poupée, la petite fille va commencer dès le plus jeune âge à prendre soin d’un bébé factice. Il va falloir s’occuper de la fameuse Barbie, la coiffer, l’habiller et la bercer. Ce que les petits garçons vont évidemment moins faire avec leurs propres jouets (lego, camions etc). Une culture de la petite enfance qui se prolonge à l’âge adulte dans les métiers de puéricultrice, d’assistante maternelle ou de sage-femme et que la fête des mères vient récompenser.
Les pères ont évidemment potentiellement la même fonction affective, mais elle est plus récente, moins valorisée publiquement, moins médiatisée, et se cantonne au foyer. Dans les métiers traditionnellement féminins, les institutions ont encore du mal à changer leurs habitudes et le recrutement des hommes est toujours difficile. Illustration avec ce court extrait des Maternelles diffusé sur France 5:
Conception de la paternité
Pendant longtemps, le rôle du père au sein de la société était institutionnel. Autrement dit un rôle de contrôle et d’autorité sur le cocon familial. Même si la paternité devient petit à petit plus relationnelle, c’est-à-dire plus affective dans la relation avec l’enfant, il faudra du temps au rôle du papa pour être perçu comme celui de la maman. La fête des pères comme consécration du lien entre le père et ses enfants est donc encore une idée nouvelle. En témoigne les assistantes maternelles qui doivent changer leurs vieux réflexes et ne plus dire maintenant lorsqu’un papa vient chercher son enfant: «Vous direz à votre femme qu’il a bien bu son biberon».
Le jeu des cadeaux permet aussi de comprendre cet écart de considération. Il n’est pas rare que les enfants se demandent pourquoi il y a plus de choix de cadeaux pour la mère que pour le père, comme pour les cartes de voeux.
La différence ne réside évidemment pas dans les sentiments des enfants, qui n’aiment pas leur mère plus que leur père (enfin certains, sans doute, mais certains l’inverse aussi, vous voyez l’idée). Mais elle est due au fonctionnement de la société et à la figure sacralisée de la maman. Bonne fête papa.
L’explication remercie Christine Castelain Meunier, sociologue de la famille et auteure du livre Le ménage, la fée, la sorcière et l’homme nouveau, Jérome Messinguiral, secrétaire général de l’association d’égalité parentale papa=maman et médiateur dans les familles, Julie Wapler, pyschologue clinicienne ainsi que les explications du magazine L’histoire sur la fête des mères.
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