Lorsqu’un couple se sépare, le partage du coût d’entretien et d’éducation des enfants fait l’objet d’un contentieux important. Pour le réduire, le ministère de la Justice met à disposition des juges et des parties, depuis 2010, une table de référence indicative de fixation des pensions. Le logiciel de micro-simulation OpenFisca développé par France Stratégie et Etalab permet de simuler l’impact financier de la séparation pour les parents et leurs enfants, en intégrant les effets de ce barème et du système socio-fiscal. Les simulations montrent que les deux parents perdent considérablement en niveau de vie après la séparation. Elles indiquent en outre que l’application du barème aboutit, en l’état actuel de la législation socio-fiscale, à ce que la charge des enfants entraîne un sacrifice de niveau de vie sensiblement plus important pour le parent non gardien que pour le parent gardien.
Améliorer l’équité de la situation après la séparation suppose toutefois d’une part de s’entendre sur le critère d’équité qu’il convient de retenir, et d’autre part de mieux évaluer le coût de l’enfant pour les deux parents. Cette note présente et discute trois modes alternatifs de calcul des pensions visant à remédier aux limites du barème actuel.
Au vu des résultats, il apparaît souhaitable :
- de modifier la législation socio-fiscale pour qu’elle prenne mieux en compte la situation des parents séparés ;
- ou de modifier la table de référence pour le calcul des pensions alimentaires ;
- ou encore de proposer aux juges et aux parents un outil permettant de simuler la situation financière des deux ménages issus de la séparation, en intégrant l’impact du système sociofiscal.
Estimation de la perte de niveau de vie supportée par les parents de deux enfants
(en pourcentage par rapport à une situation sans enfant, calcul net des aides publiques)
Note : les hypothèses retenues ici sont la garde classique et une pension alimentaire calculée selon le barème indicatif proposé par le ministère de la Justice.
Source : calculs France Stratégie, logiciel OpenFisca.
Sommaire de la Note d’analyse – Comment partager les charges liées aux enfants après une séparation ?
- Le barème indicatif proposé par le ministère de la Justice
- Simulation de l’impact du barème sur la situation financière des parents
- Trois logiques alternatives de fixation des pensions alimentaires
Auteurs : Mahdi Ben Jellou, Département Économie-Finances, lors de la rédaction de cette note et Pierre-Yves Cusset, Département Société, institutions et politiques sociales.
Solveig Godeluck / Journaliste |
Une note de France Stratégie suggère de revoir le barème des pensions alimentaires, pour mieux partager les coûts.
Dans le divorce, il y a toujours un parent qui perd plus que l’autre sur le plan financier. Selon France Stratégie, qui publie ce jeudi une note d’analyse intitulée « Comment partager les charges liées aux enfants après une séparation », ce perdant est bien identifié. C’est le payeur de la pension alimentaire, du moins si l’on s’en tient non pas aux décisions des juges mais au barème fixé par le ministère de la Justice. Un souci bien connu des pères. En effet, la mère obtient la garde dans 73 % des 150.000 cas annuels de séparations de couples avec enfants mineurs.
Ainsi, calculent les chercheurs, le coût médian supporté par le parent qui obtient la garde des enfants atteint 16 % de son niveau de vie hors enfants, contre 31 % pour le non-gardien. Auparavant, ils partageaient les frais sans avoir besoin d’acheter en double un logement, des meubles ou des vêtements, et ce budget total pesait 22 % de leur niveau de vie hors enfants. La charge financière a crû pour chacun, individuellement, mais beaucoup plus pour le parent qui ne voit ses enfants qu’un week-end sur deux et pendant la moitié des vacances. « Le barème en vigueur souffre d’une prise en compte insuffisante de la charge que représente pour le parent non gardien l’exercice de son droit de visite et d’hébergement », souligne France Stratégie.
Plus de prestations sociales moins d’impôts
Ce déséquilibre est inévitable. Le barème a été calculé en cherchant à maintenir le niveau de dépenses du parent non-gardien par rapport à son niveau d’avant la séparation. Seuls ses revenus sont pris en compte dans l’équation, pas ceux de l’autre parent. On en prélève une partie en fonction du nombre d’enfants. Or les parents isolés qui ont la garde reçoivent plus de prestations sociales et paient moins d’impôts que les payeurs de pensions, et ces transferts ne sont pas pris en compte dans le barème.
Les auteurs de la note proposent donc de rechercher « l’idée d’un sacrifice de niveau de vie égal pour les deux parents ». La première façon serait de calculer le coût de l’enfant, puis de le partager en deux en proportion de leurs revenus disponibles, voire de leur niveau de vie (en comptant le nombre d’unités de consommation dans chaque ménage).
Un coût pour les finances publiques
Mais cette vision égalitaire a un inconvénient de taille : elle n’est pas centrée sur le bien de l’enfant. « Par conséquent, lorsque le parent gardien est pauvre, le coût estimé de l’enfant est faible, donc la pension alimentaire due par le parent non gardien est faible, même si ce dernier dispose de revenus confortables », écrivent les auteurs. Ils proposent donc de calculer un coût de l’enfant majoré de 40 %, afin d’intégrer le surcoût de la monoparentalité mais aussi du droit de visite et d’hébergement pour le parent non gardien.
Chacune de ces solutions aboutit à une baisse de la pension versée, soulignent les auteurs. Il s’agirait donc de réformes coûteuses pour les finances publiques, car la collectivité compenserait en partie la diminution du revenu disponible du parent ayant la garde. Aujourd’hui, le « coût de la désunion » pour un couple avec deux revenus moyens et identiques est estimé à 2.015 euros par an pour les finances publiques, en cas de garde classique. Il grimpe à 3.428 euros en garde alternée, du fait d’impôts moins élevés et de prestations sociales plus importantes.
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